« N’y a-t-il pas quelque danger à contrefaire le mort ? » demande Argan au dernier acte du Malade Imaginaire. Molière qui jouait le rôle titre allait mourir quelques heures après avoir prononcé ces mots. La reine Marguerite aurait pu lui dire, comme elle le dit à Bérenger au début du Roi se meurt : « Tu vas mourir à la fin du spectacle ! »…
Le rire autour de la mort est rare dans l’histoire du théâtre. Ionesco est sans doute le premier dramaturge à avoir osé en faire le thème central d’une pièce, et sur le ton de la farce de surcroit. Farce funèbre, tragédie bouffonne, peu importe le nom, le fait est qu’on y rit. A-t-on le droit de rire de la mort ? On y pleure aussi. On pense aux danses macabres médiévales.
Dans un texte antérieur à la rédaction du Roi se meurt, Ionesco écrivait : « J’ai bien le sentiment que la vie est cauchemardesque, qu’elle est pénible, insupportable comme un mauvais rêve (…) Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que nous sommes attachés à ce cauchemar réel, et que sa précarité nous semble plus scandaleuse encore que son horreur. (…) C’est horrible et ce n’est pas sérieux. (…) C’est ridicule. Cela me fait presque rire. »
Lors d’une reprise des Chaises, il s’adressait ainsi à ses interprètes : « Puisqu’il n’y a rien à faire, puisque nous sommes voués à la mort, soyons gais. Mais ne soyons pas dupes. Une seule issue peut-être, c’est encore la contemplation, l’émerveillement devant le fait existentiel. »